SECTEUR 4 4.5 Les journalistes et les entreprises de presse sont intègres et ne sont pas corrompues Les médias au Cameroun sont considérés comme très corrompus. Les reporters, rédacteurs et éditeurs acceptent tous et exigent souvent de l’argent et d’autres faveurs de la part des organisateurs d’évènements, des sources d’information et des groupes d’intérêt. Parfois, si les journalistes pensent que les organisateurs ne leur donneront pas d’argent, ils se tiennent à l’écart des évènements ou retardent la parution d’histoires. Pour les politiciens, il est facile d’utiliser l’argent pour influencer la couverture médiatique, voire même déterminer le contenu rédactionnel. Les histoires « plantées » sont courantes dans les journaux, alors que les stations de radio et de télévision sont réputées pour diffuser des « débats à la demande », les membres du panel étant soigneusement choisis et coachés pour soutenir une partie intéressée ou discréditer son rival. Les professionnels des médias utilisent de plus en plus le chantage pour extorquer de l’argent aux agents publics et aux hommes d’affaires véreux. La pratique qui consiste à « tuer » une histoire est en recrudescence. Les responsables de certains organes de presse reçoivent un paiement mensuel de la part d’agents publics pour obtenir une presse favorable ou éviter des reportages négatifs. D’après un panéliste, Canal 2 – l’une des principales stations de télévision privées dans le pays – exige que ses journalistes déclarent les gratifications qu’ils reçoivent au cours de leurs missions et qu’ils en reversent 60% à la direction. Les journalistes utilisent différents termes pour parler de la corruption dans l’industrie. Gombo21 est l’équivalent camerounais de la pratique de « l’enveloppe brune » dans de nombreux pays. Quand les reporters disent qu’ils attendent le dernier communiqué ou une interview exclusive, cela veut souvent dire qu’ils attendent « l’argent taxi », une gratification ou un pot-de-vin. « Parfois, les journalistes s’attardent à la fin d’un évènement pour demander à l’organisateur de parler bien22, » a déclaré un panéliste. La confiance dans le contenu des médias a diminué en raison de la corruption généralisée qui sévit dans l’industrie. « Les gens pensent que les journalistes s’occupent des relations publiques des politiciens et que cela influence leur capacité à se montrer objectifs, » a déclaré un panéliste. D’autres ont mis à mal leur crédibilité en travaillant à temps partiel comme directeurs de presse pour des politiciens et propriétaires d’entreprises. « Il est difficile de parler d’intégrité dans les médias camerounais, » a déclaré un panéliste. Il existe plusieurs raisons pouvant expliquer cette volonté apparente des journalistes camerounais de compromettre aussi facilement leur intégrité. Les bas salaires et les mauvaises conditions de travail rendent les journalistes vulnérables à l’influence financière et politique. Les propriétaires de médias admettent souvent 21 En français, Gombo désigne un légume gélatineux très consommé au Cameroun. Ce mot est communément utilisé dans les médias pour faire référence à une gratification ou à un pot-de-vin versé par une source d’information ou un organisateur d’évènement. 22 « Parler bien » est communément utilisé dans la fonction publique pour demander « qu’est-ce que tu as? » lorsque quelqu’un demande un pot-de-vin. 60 BAROMETRE DES MEDIAS AFRICAINS Cameroun 2014